ROAR, Micky.

Du haut de mon mètre quatre-vingt-huit, je ne suis pas beaucoup plus grand que la normale : plus grand que certains et plus petit que d’autres. Je ne suis pas baraqué du tout, au contraire. Plutôt fin et mince, mes muscles sont développés un minimum et ne se voient pas vraiment. M’enfin ça ne veut rien dire. J’en ai peut-être pas l’air mais j’ai une sacrée force. Être vampire a ses avantages, je vous l’accorde. Donc pour moi, pas besoin de passer des heures en salle de gym ou musculation pour faire de la gonflette. Bon sinon, niveau physique, j’ai les d’un brun sombre et les yeux dorés, et je dois dire que je suis beaucoup mieux qu’avant ma transformation. Ce qui n’a pas changé par contre, c’est mes joues. Mes pommettes sont relativement rebondies, et quand je souris, elles ressortent pas mal. Mais ça me dérange pas, ç’aurait pu être pire. Côté vestimentaire, eh bien je fais plutôt attention. J’aime les vêtements qui ont du style et classes. Je suis la mode de loin, mais préfère associer mes habits comme bon me semble, et toujours avec goût.

Bon ou mauvais caractère, je ne sais pas trop, mais fort, ça oui ! Absolument hors de question que je me laisse marcher sur les pieds. J’ai peut-être tendance à vouloir un peu trop tout contrôler, il est vrai. J’ai beaucoup changé au fur et à mesure des années, surtout après une certaine période. J’étais quelqu’un de plutôt agréable quand j’étais humain, et peut etre un peu trop naïf. Bon d’accord, carrément naïf. Pour moi, tout le monde était gentil. Eh bien j’ai appris à mes dépends que non. Je me suis forgé un autre caractère avec le temps, et je dois avouer que je ne suis plus vraiment la meilleure des personnes. Je ne sais plus ce que veulent dire des mots comme générosité, gentillesse ou amour. Ce ne sont que de vagues notions inutiles, des valeurs débiles et utopiques. Enfin bref. Que dire encore ? Je ne suis pas pieux du tout. Au contraire, dès qu’il y a quelque chose à bafouer ou dessacrer, j’en suis. Attention, je ne suis pas pour autant une brute sans cervelle. J’aime agir selon une certaine finesse qui sied à mes critères d’esthétique. Je suis d’ailleurs assez soigneux et ordonné. Sauf parfois quand je me laisse légèrement aller. J’ai des besoins comme tout le monde après tout, et certains d’entre eux diffèrent quelque peu de ceux du commun des mortels. Je ne dis pas non à une bonne petite flaque de sang de temps à autre, j’adore ça même ! Enfin bon, faire couler le sang et faire souffrir, oui, mais avec classe. Que dire de plus sinon ? La souffrance des autres et ma cruauté envers eux me ravissent mais je ne suis pas un monstre pour autant. Heureusement, il y a encore des gens qui en valent la peine en ce bas monde, peu, certes, mais tout de même. Je sais me montrer courtois et .. hmm .. sympathique dirons-nous quand il le faut.

Bon. Par où commencer .. Le tout début je suppose. Je suis né dans une famille aisée de nouveaux riches en 1826. Mon père avait ouvert une banque quelques années auparavant et il avait rapidement fait fortune. Mes parents étaient très gentils et ils m’élevèrent comme ils le crurent bon. Je grandis donc dans un foyer aimant et je devins un petit garçon vif d’esprit, honnête et gentil, un véritable amour. Seul problème, à être si gentil, les autres enfants commencèrent à profiter de moi et à l’école, et dans le voisinage. Bien sûr, je ne m’en rendais pas compte et souriait gentiment à chaque chose que l’on m‘empruntait et me rendait cassée, ou chaque service qu’on me demandait sans jamais me rendre la pareille. Trop bon, trop con. Je ne savais pas dire non et continuait à être moi-même, sans me rendre compte de l’abus des autres.
Arrivé au collège pour garçons de l’époque, ça ne s’est pas amélioré, au contraire. Je commençais à comprendre inconsciemment qu’aucun de ceux qui se prétendaient mes amis ne l’était vraiment. Je continuais cependant de me voiler la face et à afficher un grand sourire. Rien ne changea en entrant au lycée religieux du coin, passant mes devoirs à tous ceux qui me les demandaient, croyant bien faire. J’étais toujours de bonne humeur et ne baissais jamais les bras. J’obtins mon diplôme sans problème et ne gardai aucun contact avec mes camarades de classe, ceux-ci ne répondant jamais à mes invitations et ne m’en envoyant pas non plus. Je fus embauché par mon père et on continua à profiter de moi. Je me posais de plus en plus de questions et commençais sérieusement à me demander si j’étais un bon à rien, un inutile. A 25 ans, je n’avais aucun ami et aucune relation. Je m’isolais de plus en plus et ne parlais à personne, et les quelques employés de la banque se mirent à me harceler plus que jamais. Je commençais à sérieusement saturer de cette vie.
Un soir de décembre, en 1852, quand Napoléon devint empereur, je sortis fêter ça à ma façon : une bonne cuite. C’était plus pour oublier ma vie pourrie que pour lu, mais ça me donnait une raison en quelque sorte. J’allai donc dans le bar le plus miteux que je pus trouver, et il n’y avait qu’une seule personne assise au fond de la salle. Je me mis à boire, boire et boire encore et tandis que mon esprit était embrumé comme jamais, je tournais la tête et me souvins de l’autre. J’avais l’étrange impression qu’il me fixait mais vu le taux d’alcool dans mon sang, je n’en était pas sûr. J’aurais dû me méfier, je sais, mais ce n’était vraiment pas dans ma nature. Je me retournai et continuai à boire quelques verres avant de lui jeter un coup d’œil à nouveau. Il était beaucoup plus proche cette fois, et quand je crus apercevoir de longues dents sur sa lèvres inférieure, je secouai légèrement la tête pour me remettre les idées en place : j’avais vraisemblablement trop bu.
Me levant en titubant, j’ai payé ce que je devais et je suis sorti sans me retourner. Je n’arrivais plus à marcher droit sur le trottoir et j’avais une affreuse migraine qui commençait à faire surface. J’ai pourtant continué à avancer comme je le pouvais. Soudain, on me tire violemment sur le bras et je finis par terre, grognant de douleur tandis que je me fais traîner dans une ruelle sombre. Je commence à peine à réagir que je me sens soulevé et plaqué au mur, ma tête buttant contre la brique et empirant mon mal de tête. J’entends une voix grave résonner à mes oreilles mais je suis incapable de discerner ne serait-ce qu’un seul mot. A partir de là, les choses s’enchaînent si vite que je ne comprends plus rien. Une violente douleur dans le cou, mon énergie drainée peu à peu, une fatigue extrême et le noir total.
Quand je me suis réveillé, j’étais dans un endroit totalement inconnu et l’homme était là lui aussi. J’ai paniqué sur le coup mais il a réussi à me calmer et m’expliqua tout : ce qu’il m’avait fait, ce que j’étais devenu, et ce qui s’offrait à moi à présent. Je lui en voulus beaucoup au départ puis très vite, j’ai compris que ce qu’il m’avait fait était un cadeau. J’ai décidé de rester avec lui, découvrant ma nouvelle vie au fur et à mesure. Je lui racontai mon histoire et il m’offrit un soir la possibilité de me venger de tous ceux qui m’avaient persécuté. Je goûtai aux plaisirs de la vengeance et de la violence et tombait immédiatement amoureux. Mon « créateur » comme il s’appelait lui-même en fut ravi et m’appris tout ce qu’il savait. Je développais mon propre style et me séparai de lui un jour pour voler de mes propres ailes. Je vécus en devenant un peu plus cruel et détaché chaque jour, regardant toutes ces générations mourir devant mes yeux. Les progrès de la science et de la technologie m’impressionnèrent un moment puis je devins vite blasé et regardait ça de loin, appréciant cependant l’évolution de la mode.
A 185 ans aujourd’hui, d’apparence 26, je continue un peu plus chaque jour à m’éloigner de celui que je fus un jour et à profiter toujours plus de cette vie, baignant dans la débauche et le sang

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